Chantal Wittmann : Maître d’hôtel & spécialiste des Arts de la Table

""Quand on part en voyage aussi, on attend non seulement une belle cuisine, mais aussi et surtout un bon service""

Un chemisier immaculé à jabot, une redingote et une médaille bleu-blanc-rouge autour du cou : Chantal Wittmann ne passe définitivement pas inaperçue. Avec près de 30 ans d’expérience pédagogique dans le secteur de l’hôtellerie, cette Alsacienne possède un parcours impressionnant qui inclut l’obtention du Prix du Meilleur Ouvrier de France en 2011. Une distinction qui lui a ouvert des portes et dont elle se sert pour faire connaître un métier noble. Nous l’avons rencontrée lors d’une masterclasse sur les Arts de la Table chez Degrenne.

Mandaley : Bonjour Chantal Wittmann, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Quel a été votre parcours ?
Chantal Wittmann
: Je suis diplômée du Lycée Hôtelier Alexandre Dumas d’Illkirch-Graffenstaden, situé à côté de Strasbourg. A la suite de mes études, j’ai effectué un stage aux États-Unis, à San Francisco, ce qui m’a donné le goût du voyage, mais qui m’a aussi permis d’apprendre l’anglais. Après 4 mois de stage, je suis revenue en France et j’ai continué à travailler dans l’hôtellerie, notamment en réception, en restaurant, pour les groupes Accord, Hilton, Sofitel, mais également pour la petite chaîne hôtelière Relais du Silence où j’étais présidente du directoire. Au fil de mon parcours, j’ai eu le goût de rentrer dans l’enseignement, car j’ai toujours voulu être dans la transmission. J’ai donc passé mon concours de professeure que j’ai réussi du premier coup. Après une année à l’IUFM d’Antony, j’ai travaillé 10 ans en tant que professeur à Schiltigheim au Lycée Aristide Briand, puis 20 ans au Lycée Dumas à Illkirch-Graffenstaden dans le Bas-Rhin. En 2017, j’ai rejoint l’Institut Glion de Hautes Études, établissement suisse situé sur les hauteurs de Montreux.

Mandaley : En quoi consiste exactement votre métier ?
Chantal Wittmann :
Je suis spécialisée dans l’enseignement pratique et m’occupe des élèves de Glion au sein du restaurant Le Bellevue à Montreux, en Suisse. Je les forme au métier de Maître d’hôtel et je les conseille. Je suis également juge dans de nombreux concours et anime régulièrement des masterclasses aux quatre coins du monde. Je m’intéresse tout particulièrement à l’art floral et me charge des décorations florales de l’école, du restaurant et des événements spéciaux de Glion.

Chantal Wittmann Bellevue
Le restaurant Bellevue

Mandaley : Vous avez décroché le titre de Meilleur Ouvrier de France dans la section Maître d’hôtel, service et arts de la table en 2011. Peut-on dire que cette distinction a changé votre vie ?
Chantal Wittmann :
Oui, ce titre m’a ouvert les portes vers le monde. Grâce à ce concours, j’ai pu me rendre en Malaisie, à Shanghai, à Quito, au Pérou… J’y ai animé des masterclasses sur les Arts de la Table, cela m’a permis de rencontrer des étudiants de tout horizon, de transmettre mon savoir, faire des démonstrations de flambage… C’était très enrichissant !

Mandaley : Vous êtes l’une des deux seules femmes auréolées du titre de meilleur ouvrier de France (MOF) dans la catégorie Arts de la Table. Comment arrivez-vous à trouver votre place dans ce milieu essentiellement masculin ? Que diriez-vous pour encourager vos consœurs à exercer ces métiers ?
Chantal Wittmann : Le fait d’arborer le col bleu-blanc-rouge permet d’asseoir le fait que j’ai une expérience professionnelle certaine. Il y a donc un grand respect du titre, heureusement. Malgré tout, je continue de travailler d’arrache-pied, pour rester dans l’excellence. J’ai un peu tous les jours la pression, non seulement de par ma place de femme qui, c’est vrai, n’est pas facile, mais aussi de par le métier de restauration qui est en constante évolution. Il faut sans cesse continuer à apprendre, découvrir,  explorer…

Je dirais à mes consœurs que le concours de MOF est un concours que l’on fait très égoïstement pour soi-même. C’est un réel engagement qui nous ouvre des portes, inspire le respect et l’admiration… On fait des sacrifices sur sa vie personnelle, mais j’encourage les femmes à se mesurer à ce concours, elles auront tout mon soutien.

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Mandaley : Quelles sont les fonctions d’un Maître d’hôtel ?
Chantal Wittmann :
Un Maître d’hôtel est le vrai chef d’orchestre du restaurant. C’est lui qui va faire en sorte que l’expérience client soit exceptionnelle. Il gère une équipe donc doit être un bon manager, va aussi s’occuper de la mise en place, prendre les commandes, expliquer les plats aux clients. Un maître d’hôtel doit avoir de réelles connaissances sur plusieurs domaines : en vin, en produits, en fleurs… Il a un rôle extrêmement important. C’est lui le lien direct entre le client et le restaurant.

Chantal Wittmann portrait

Mandaley : Certains gourmets et voyageurs peuvent trouver la présence d’un maître d’hôtel superflue, rendant l’expérience au restaurant plus que guindée…Qu’en pensez-vous ?
Chantal Wittmann :
Le rôle ultime d’un Maître d’hôtel est de faire en sorte que le service soit réussi. Vous pouvez avoir un restaurant avec une carte excellente, mais un accueil déplorable. Quand on part en voyage aussi, on attend non seulement une belle cuisine, mais aussi et surtout un bon service. Donc je ne pense pas que la présence d’un maître d’hôtel soit superflue, elle est même nécessaire pour assurer un bon service. Et le service passe par l’accueil et la prise en charge, et ce, dans n’importe quel type de restaurant, que ce soit la pizzeria du coin ou un restaurant de luxe !

Mandaley : Qu’est-ce qu’une jolie table, selon vous ?
Chantal Wittmann :
Une jolie table est une table qui invite à s’asseoir, tout simplement. Il faut que tout, sur une table, soit en adéquation et en harmonie avec l’endroit, l’environnement, l’ambiance, la cuisine proposée…

Mandaley : Et une table de mauvais goût ?
Chantal Wittmann :
Je pense que tous les goûts sont dans la nature ! Il n’y a pas vraiment de table de mauvais goût, mais plutôt des tables en décalage. Il n’y a pas de règles strictes, du moment que les objets et la déco aient une signification, un sens. Le service à la française, lui, est vraiment stricte avec des codes à respecter. Il faut que le couteau soit à droite, la fourchette à gauche…Tout doit être dans la symétrie.

Mandaley : Qu’est-ce qui fait qu’un service est réussi ?
Chantal Wittmann :
Un service réussi est un service discret où toutes les attentes du client ont été devancées. Il faut être là juste au moment où il faut, sans que le client ne fasse appel à vous. Il suffit d’anticiper tous ses besoins, et pour ça, étudier le langage du corps.

Chantal Wittmann table

Mandaley : Quel est justement le restaurant qui vous a le plus marqué, tant au niveau de sa cuisine que son service ?
Chantal Wittmann :
Vous allez penser que je suis chauvine, mais le restaurant que j’apprécie le plus est l’Auberge de l’Ill en Alsace. Un deux étoiles où je me sens comme à la maison. La cuisine est incroyable, avec des mets traditionnels mais aussi des plats signatures, et des vins succulents !

Mandaley : Dans votre métier, comment définiriez-vous le mot luxe ?
Chantal Wittmann :
Le luxe ce sont les choses simples : passer des moments en famille, rencontrer de nouvelles personnes, transmettre son savoir… Il ne faut pas voir uniquement le luxe comme quelque chose de matériel.

Mandaley : Quelles sont vos plus beaux souvenirs de votre métier ? Avez-vous une ou des anecdotes à nous raconter ?
Chantal Wittmann :
J’ai eu l’immense chance de servir la Reine d’Angleterre au Palais Rohan à Strasbourg, en 1992. Elle m’a même serré la main ! Un grand moment dans ma carrière !

Mandaley : A quand remonte votre dernier voyage ? Où était-ce ?
Chantal Wittmann :
En avril dernier au Pérou. J’y suis allée dans le cadre d’une masterclasse. J’en garde un souvenir incroyable. J’ai pu échanger avec les organisateurs, des étudiants et des locaux qui m’ont réservé un accueil unique, une attention particulière.

Mandaley : Quel est votre endroit préféré dans le monde ?
Chantal Wittmann :
San Francisco. C’est là que tout a commencé. J’y ai rencontré mes parents de cœur, qui m’ont accueillie dans leur maison quand j’ai effectué mon stage.

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